Les Jeep
L’histoire Jeep de Hotchkiss cours sur près de 40 années et s’est écrite sur deux volets, l’un avec la fabrication sous licence, l’autre avec l’importation au travers de la SOFIA de véhicules construits aux USA ou en Espagne.
Petit rappel à propos de la "Société Financière pour l'Automobile".
La SOFIA située initialement 71 avenue des ternes à Paris, a été fondée par Hotchkiss pour gérer ses opérations internationales, opérations orientées en particulier vers les colonies Française de l'époque. Pour mémoire la SOFIA est à l'origine la société qui devient propriétaire de la marque Amilcar en 34. Puis Hotchkiss prendra une participation majoritaire dans le capital avec l'idée de produire une petite Hotchkiss sous la marque Amilcar. La SOFIA est en sommeil, bien que la participation de Hotchkiss ait été vendue à Ainsworth ("Monsieur HOTCHKISS depuis les années 20 - directeur de la branche automobile) et aux frères Dromain (propriétaires de l'Auto Hall, rue Guersant à PARIS, le plus gros concessionnaire Hotchkiss). La SOFIA devient la "Société de Fabrication Industrielles et Automobiles". Ainsworth négocie habillement et obtient pour la SOFIA la distribution de Willys Overland en France ce qui permettra l'implantation sur le marché militaire. La SOFIA fait reconditionner des jeeps chez Hotchkiss et distribue en France les pièces détachées, ce qui représente un marché considérable.Lorsqu'il est envisagé de produire la Jeep sous licence en France, compte tenu des excellentes relations qu'entretient Ainsworth avec les dirigeants de Willys
La SOFIA proposera même une voiture à châssis Jeep et carrosserie Hotchkiss dont seuls deux exemplaires seront construits.
Au sortir de la Guerre, la direction de Hotchkiss voit clairement le besoin de diversification pour assurer le futur de la société qui ne pouvait être assuré uniquement par la branche automobile. Outre le lancement des camions PL 20, certains dirigeants de Hotchkiss suite à leurs origines anglo-saxonnes (H.M Ainsworth) avaient plus que d’autres industriels à l’époque la possibilité d’établir des contacts fructueux avec les entreprises américaines (Willys) ou anglaises (Ferguson avec les tracteurs Standard Hotchkiss dits «petit gris »).
Les discussions avec Willys commencèrent dans l’immédiat après-guerre, en 1946, pour l’importation de la gamme civile Jeep puis en 1952 la fabrication de pièces de rechange et de moteurs de Jeep MB pour maintenir le parc de Jeep Willys MB de l’armée française. En 1953, il obtient le droit d’assembler les CJ, puis à partir de 1955, de les construire.
La « jeep Militaire » M201
Suite à l’abandon de la production du VLR Delahaye (Véhicule très en avance sur son temps mais compliqué à utiliser et à maintenir) Hotchkiss qui venait de racheter Delahaye proposa bien opportunément, ayant acquis la licence de fabrication, de remplacer les Jeep Willys par des Jeep M201 dites «jeep militaire». Une chaine de fabrication et de montage sur le site de Saint Denis au 32, bd Ornano fut mis en route en 1955. Fabriqué sous licence par Hotchkiss-Brandt ce modèle fut réceptionné par le service des mines le 13 Juillet 1956 dans sa version 6 Volts très similaire à la version MB de 1945 et une première commande de 465 exemplaire fut lancée. La production se poursuivie dans l'usine de Stains en banlieue Parisienne.
Elle fut suivi en 1960 d’une version 24 volts plus francisée reconnaissable en particulier par les pontets de support de pare-brise et le pré équipement radio 24V avec antiparasitage.
Au total 27628 exemplaires de » jeep Militaire » M201, furent construits sous licence entre 1956 et 1966.
Ces Jeep similaires aux jeep MB (1941-1945) comportaient néanmoins quelques améliorations : distribution par pignon céloron au lieu de chaîne, culasse et boîte de transfert renforcées tout en conservant l’interchangeabilité de très nombreuses pièces et particulièrement de tous les organes tant mécaniques que châssis et carrosserie. Ce qui permit par ailleurs à l’armée Française, en utilisant la production des pièces détachées par Hotchkiss, de lancer parallèlement (1950-1978) une activité de reconstruction de Jeep à l’ERGM de la Maltournée d’où sortirent des jeep « patchwork » composées d’organes Willys, Ford et Hotchkiss. Cette approche parallèle de reconstruction a certainement pesée dans le choix du ministère pour le choix d'une production d’un modèle identique à la MB alors que Willys produisait déjà depuis 3 ans la CJ3B plus optimisé et surtout aussi plus robuste et puissante que la vielle MB. Mais il n’est pas certain que Kaiser fut enclin à céder la licence de la CJ3B dans sa définition Américaine non plus…
Les jeep Civiles JH & HWL
En marge de la « Jeep Militaire » M201 Hotchkiss réalisa des modèles pour le marché civil avec les JH & HWL basés sur la mécanique de la M201. Ces modèles reprenaient la carrosserie de la CJ3B reconnaissable à son capot haut et ses marquages sur des plaques alu « Hotchkiss Willys » .A noter que cette carrosserie à capot haut avait fait son apparition en 1953 sur la CJ3B fabriquée aux USA pour permettre le montage du moteur semi-culbuté, admission en tête et échappement latéral, « Hurricane » ou F4 de 72 CV contre 60 CV pour le moteur de la jeep militaire. Dans le cas de Hotchkiss le moteur semi-culbuté ne fut jamais monté, il s’agissait donc uniquement d’un artifice pour distinguer visuellement la Jeep civile de la Jeep militaire. On notera de plus que la calandre des Jeep Hotchkiss civiles possède sept ouvertures, apanage de toutes les Jeep civiles produites depuis Juillet 1945 qui est de surcroît protégé par des droits de marque, contre neuf pour la Jeep militaire, non protégé par des droits de marque…
Au total près de 5.560 Jeep civiles furent produites jusqu’en 1969.
Les châssis courts
Hormis la carrosserie civile, copie quasi conforme de la CJ3B américaine, la Jeep JH est techniquement identique à la militaire, seule la position des amortisseurs arrières est différente (inclinés vers l’avant) pour l’aménagement du plancher plat. Les sièges le bâchage et le support articulé de roue de secours sont eux spécifiques au modèle français (les Jeep américaines ont la roue de secours à l’arrière droit ce qui était interdit en France). Équipée d'un moteur Hotchkiss-Brandt licence Willys Go Devil 2,2l un 4 cylindres en ligne 2199 cm3, bloc, fonte et soupapes latérales, 60 ch à 3800tr/mn.
• JH 101 (Jeep Hotchkiss modèle 101) reconnaissable à leurs phares de gros diamètres « Marchal Equilux » (7 pouces). La production de la JH-101 s’arrête en 1960, année où la JH-102 prend la relève.
• JH 102 pourvue elle d’optiques concaves 5 pouces (type Estafette/ R4 Renault). Elle bénéficie d’une direction plus robuste et plus douce à boîtier Gemmer, d’une instrumentation à deux cadrans combinés et de quelques goussets qui viennent renforcer le châssis. Une version Diesel la JH 102D exista avec un moteur CLM (Peugeot) type Indenor 85XDP4, 1816 cm3, 50 CV à 4.000 tr/mn et une boîte T84 (manuelle à 3 vitesses AV et 1 AR) mais avec boîte de transfert à rapport court. La production s’arrêtera en juillet 1969, la production étant désormais assurée par VIASA en Espagne.
Ces autos furent entre autre beaucoup vendues aux corps des Sapeurs-Pompiers comme CCF légers souvent équipés par les Ets Maheu Labrosse ou Guinard d’une petite citerne de 250/300 litres et généralement d’une moto pompe mono cylindre (à contrario des USA ou la pompe était accouplée au moteur de la jeep) comme véhicule d’intervention rapide, avant d’être désarmées et devenir véhicules de commandement ou de servitude puis vendues au public dans les années 80/90.
Les châssis long
• HWL en 1963 Hotchkiss lance la Hotchkiss Willis Longue, comparable à la Jeep CJ6 américaine à coût réduit, en fait une jeep JH à l’empattement rallongé souvent montée avec une boîte de vitesse renforcée T90 en remplacement de la fragile T84 et d’une boîte de transfert à rapport court la charge utile de la HWL étant de 750kg (soit 250kg de plus que les JH)
• HWLD (Hotchkiss Willis Longue Diesel) munie d’un moteur Diesel 1,8litre 50 cv d’origine CLM (Peugeot) d’une boîte T90 et d’une boîte de transfert à rapport court. Elle eut droit à une production confidentielle de moins de 100 exemplaires
Dès 1946 et bien après la fin de la production de la M201 et des JH en 1969 , Hotchkiss a importé des Jeep fabriquées principalement aux USA à travers sa filiale la SOFIA. Ses activités couvraient pour les Jeep la fourniture des pièces détachées et des Jeep construites sous licence en France les M201 , JH 101, 102, HWL et HWLD ainsi que l’importation de Jeep fabriquées hors de France.
La SOFIA a joué pendant plus de 30 ans le rôle de la société intermédiaire entre les entreprises propriétaires de la marque Jeep : Willys (1941-1953), Kaiser (1953-1970) puis AMC (American Motors Corporation 1970-1987) pour l'importation des Jeep construites aux États Unis et aussi, comme le prouvent les documents, en Espagne par Viasa/Ebro.
CJ2A Juillet 1946 –1949
Basée sur la Jeep MB, c’est une voiture de transition ayant fait l’objet de très nombreuses évolutions durant sa courte période de production. On la reconnait à sa calandre à 7 fentes et ses gros phares 7’’, son hayon arrière ouvrant, et son pare-brise similaire à celui de la MB quoique plus haut au niveau du bandeau et qui est marqué Willys. En évolution mécanique on note l’apparition de la boîte de vitesses T90 d’abord en commande au volant (les modèles les plus recherchés dit VEC ou EC) puis au plancher, à la relocalisation du palonnier de renvoi de direction sur le tube de châssis éliminant le braquage induit lors de freinages brusques et à l’apparition en cours de production de ponts arrières plus robustes de type semi-flottant. Il faut noter que ces autos et les descendantes jusqu’en 1971 pouvaient être pourvues d’un grand nombre d’accessoires Jeep, prises de force arrière centrale et avant, cabestan avant, relevage hydraulique Monroe 3 points, contrepoids avant, écran de calandre, régulateur pour prise de force, poste à souder Lincoln… Les Français furent aussi prolifiques en la matière on pense en particulier à Legoubé , Fournier ou même Cournil.
CJ3A 1949-1953
Cette Jeep Universal est très proche des dernières CJ2A produites, on la reconnaît essentiellement à son pare-brise avec vitre en une seule partie et trappe de ventilation dans le bandeau inférieur de la baie, sa caisse voit ses passages de roues arrières réduits pour reculer les sièges avant et améliorer la position de conduite. Le châssis est simplifié au niveau des trains avant et l’on voit le montage du TRÈS robuste pont arrière Dana 44. La CJ3A est en fait une CJ2A qui aurait bénéficié d’une analyse de la valeur… Elle est souvent confondue avec sa version militaire la M38 (1950-1952) utilisée au début de la guerre de Corée.
CJ3B 1953 –1968 (pour les USA)
Ici aussi hormis le montage du moteur Hurricane semi-culbuté (F4) et du capot haut très peu de modifications pour le reste de la voiture. La CJ3B sera vraiment la Jeep universelle produite partout dans le monde et cela jusque en 1998 par Mahindra en inde avec de nombreuses variantes et motorisations. Souvent dénigrée du fait de son look c’est certainement la plus aboutie des Jeep Universal à ailes plates dites « flat-fender » grâce à son moteur F4 souple puissant et fiable.
CJ5/6/7 1952-1986
La SOFIA importa une série de CJ6 avec moteur 3.8 L équipée d’une tonne de poudre pour les services incendie des petits aéroports contrôlés ; elles furent en service jusqu’au début des années 1990 souvent munies d’une cabine tôlée sur les places avant.
MB-CJ3B/ CJ3B CJ6 Espagne 1960-1985
La CAF, grâce à sa filiale Viasa, débute dès 1960 la production des Jeep dans son usine de Saragosse, soit bien avant la fin de production des JH Hotchkiss ; il n’y a donc pas eu transfert de ligne de production comme il fut souvent affirmé. Les premières Jeep sont une série de véhicules très similaires à la JH101 produites essentiellement pour l’armée sous le nom de MB/CJ3B. Les pièces de ces MB/CJ3B Jeep espagnoles sont marquées WOE pour Willys Overland Espagne contre WOF pour la production Hotchkiss.
Christophe Deschamps & Jean-Francois Lavie : This email address is being protected from spambots. You need JavaScript enabled to view it.